F. Bayrou

M. Bayrou (25 mai 1951, 16h à Bordères) vient de déclarer qu’« à titre personnel » il votera pour M. Hollande, invoquant son trouble quant à l’extrême droitisation du chef de l’Etat, arguant de « valeurs morales » dangereusement transgressées, en appelant à la fibre gaulliste, à l’humanisme, rejetant du même coup les 18% d’électeurs qui se sont portés sur la candidature de Marine Le Pen au rang de parias.

L’ÉTRANGE PARADOXE DE M. BAYROU

Voici ce que M. Bayrou affirmait dans un entretien à l’hebdomadaire Marianne du 4 février 2012 :

(...) Si le programme de François Hollande était appliqué, la catastrophe arriverait. (...) J’ai lu attentivement le programme du PS. A chaque ligne il y a des promesses de distribution. [...] Comme si on n’était pas un pays en situation critique ! Au fond, c’est le programme de 2007 à quelques nuances près (...) J’ai fait des gestes ces dernières années à l’égard du PS, en croyant à son évolution [...]. En réalité, le PS a renoncé à se transformer. J’ai proposé un dialogue, qu’il a refusé.(...)

Où est la logique ? Où sont les convictions « programmatiques » ? Avec un Uranus culminant, M. Bayrou est de droite. Toute sa pensée politique - ses propositions - en témoigne.

CONFUSION OU SUICIDE POLITIQUE ?

L’étrange paradoxe de M. Bayrou est de « prédire » la catastrophe économique et sociale si les socialistes arrivaient au pouvoir et en même temps de voter pour M. Hollande. Ce type de contorsion s’apparente soit au suicide politique, soit au pari du turfiste du dimanche lorsque l’on connait l’amour et la passion des chevaux du leader centriste. Plus pratiquement, il faut y voir une haine déclarée et sans limites à M. Sarkozy.

Tout le monde a compris que, comme Marine Le Pen, M. Bayrou « parie » sur un éclatement de l’UMP. Cet éclatement est improbable, puisque déjà M. Coppé a programmé dès le 7 mai de permettre aux différentes sensibilités de pouvoir s’exprimer plus fortement en créant des mouvements au sein de l’UMP [1] - pour tirer le « bilan du 6 mai » et engager les législatives. Dès lors le problème de M. Bayrou est réglé, c’est à dire la recomposition du Centre avec les Borloo, Sauvadet, et autres. Et, côté Front National, même en se colorant de « bleu marine » - non sans le rappel du sigle du FN : le Père veille... - pour les législatives, le parti ne pèse pas au réel les 18% acquis au 1er tour de la présidentielle, mais sa force dans des triangulaires est réelle, sans compter avec quelques arrangements locaux. De là à faire imploser l’UMP, machine de guerre, certes à la peine aujourd’hui, le compte n’y est pas.

LE DANGEREUX CALCUL DE M. BAYROU

L’UMP s’offusque du choix de M. Bayrou alors que le PS, arguant du « rassemblement », s’en réjouit. Bien sûr, si M. Bayrou avait choisi à sa droite les commentaires se seraient inversés. C’est d’ailleurs le côté comique de la politique, selon comment le vent tourne.

Reste qu’il n’est pas encore acquis qu’un tel choix à titre personnel du leader centriste soit écouté dans son électorat qui est de facto assimilé aux socialo-communistes, car c’est le cas : PS, PC, Mélenchon, extrême gauche. Rien ne dit, par ailleurs, que ce « coup d’éclat » ne mobilise pas davantage les forces de droite, toutes les forces de droite, notamment les hésitants, les désireux du vote blanc et les abstentionnistes de la « droite dure ». Le choix de M. Bayrou peut se retourner, en partie, dans les urnes contre M. Hollande ou contre lui-même, à terme.

L’ UMP EN VELLÉITÉ DE PROPORTIONNELLE

Mais, l’erreur grossière de l’UMP et de M. Sarkozy c’est de ne pas avoir tranché immédiatement pour une dose de proportionnelle permettant à des députés du Front National - et autres forces politiques - d’entrer à l’Assemblée nationale sans autres arrangements que le vote des citoyens. Il est en effet d’une originalité douteuse que plus de 6 millions d’électeurs - même dispersés - n’aient pas de représentants au Parlement alors que les amis d’Éva Joly, qui pèsent peu, sont promis à récompense au prétexte de négociations et de soutien au candidat du PS. Et techniquement, c’était possible.

Marc Cerbère, 4 mai 2012